L’association France Amérique Latine 33 a organisé un voyage écotouristique à Cuba du 7 au 21 avril 2023. Le séjour a eu lieu dans le cadre d’un projet de développement à l’écotourisme dans la péninsule de Zapata (Communauté de Soplillar). [Lien vers la page du projet pour en savoir plus]

Un groupe de voyageurs français a pu partager la vie quotidienne de quelques communautés rurales de l’île et visiter quelques villes touristiques. Le voyage avait également pour but de proposer une formation des habitants de la communauté de Soplillar à l’accueil d’écotouristes, formation dispensée par Gloria Vergès, présidente de FAL 33, et Yann Sourbier de l’association Le Mat,  les voyageurs ayant pour rôle de tester les hébergements et les activités proposées.

Le séjour a été une expérience très enrichissante pour tous, pleine de partage et d’espoir pour l’avenir.

Livret d'informations sur Cuba pour les voyageurs

Déroulé du voyage

Arrivée dans la communauté de Soplillar et découverte de la Ciénaga de Zapata

Après un atterrissage à La Havane, le groupe a pris la direction de la péninsule de Zapata, vers la commune de Soplillar [ici pour en savoir plus sur la commune de Soplillar]. Un accueil chaleureux l’attendait à la maison d’hôtes “Tu patio en el Sur”. Sur place, les voyageurs ont eu des explications sur le projet de la communauté et ont pu profiter d’excursions dans la Réserve de la biosphère de Ciénaga de Zapata ( Parc National, Grotte aux poissons,  Enigme des rochers,  observation d’espèces endémiques d’oiseaux…) . Les excursions et visites culturelles ont été ponctuées de baignades dans les belles plages de la région, de plongée à Punta Perdiz, de balades à pied et à cheval dans la forêt de Soplillar.

Cayo Ramona, Playa Larga et jardins écologiques

Les visites se sont poursuivies aux alentours de la péninsule, vers Cayo Ramona et Playa Larga (Baie des Cochons). Entre observation d’espèces endémiques d’oiseaux à Bermejas et visite de ruches Meliponas à Helechal, le groupe a aussi pu  rencontrer les enfants et les animateurs du Théâtre de la Forêt et déjeuner de mets locaux et produits du jardin au Patio del Colibri . Au programme également, visite du Musée de la Révolution de Girón, excursion à la Réserve naturelle ornithologique de  La Salina et visite des jardins écologiques des habitants qui les accueillaient. Durant cette première semaine, les voyageurs étaient logés au rancho “Los Pintines”, à la ferme agroécologique de “La Pista”, à l’écolodge de Elaine , au Patio de la Cantera et à l’hostal “Tu patio en el Sur”  où étaient servis de savoureux repas composés exclusivement de mets cubains préparés avec les productions locales bio (légumes et fruits frais du jardin, poisson de la pêche du jour, oeufs et viande de la ferme).

Trinidad, Guajimico et Cienfuegos

Les voyageurs ont quitté avec regret Soplillar, direction Trinidad avec une halte déjeuner à Sancti spiritu à la ferme agroécologique  “El Medio” de Casimiro suivie d’une visite de l’exploitation agricole familiale. Découverte et visite de la vieille ville coloniale de Trinidad déclarée Patrimoine Mondial de l’Humanité  par l’UNESCO en 1988, détente et baignade à  Playa Ancón, vallée de los Ingenios, puis étape à Playa Guajimico avec une randonnée sur un sentier côtier ponctué de grottes marines, activité snorkeling, baignades en mer ou en piscine d’eau salée, soirées musicales et dansantes pour s’initier à la salsa, rumba, etc. Ensuite cap vers la ville portuaire coloniale de Cienfuegos, également inscrite par l’UNESCO depuis 2005 sur la liste du patrimoine mondial de l’Humanité.

La Havane

Dernière étape du séjour à La Havane avec une visite guidée de la vieille ville par Anna, écrivaine russo-cubaine habitant La Havane, promenade dans le quartier de  El Vedado, dîner au bord de l’eau à Miramar. Puis quelques journées libres où les voyageurs ont pu déambuler à leur gré dans la Havane, visiter les musées , les boutiques d’artisanat , faire quelques achats souvenirs, se promener le long du Malecón et prendre le pouls de la capitale avant de rejoindre  l’aéroport de La Havane pour un retour en France le 22 avril. 

Témoignage des voyageurs

Jean-François Loubière, qui faisait parti des voyageurs, a écrit un texte, complété des commentaires de ses compagnons de voyage, pour partager son expérience à Cuba.

Mon séjour à CUBA

Parti dans le cadre d’un projet de développement à l’écotourisme dans la péninsule de Zapata (Communauté de Soplillar) un groupe de français  a pu entrevoir la vie de la population de Cuba dans différentes communautés de l’île.

A peine arrivé à la Havane,le premier choc fut de voir,de notre taxi,une immense queue à  la station d’essence due au rationnement drastique du pétrole. Première illustration directement palpable du blocusqui pèse depuis plus de 60 ans sur Cuba.

Heureusement, l’expérience de la communauté paysanne de Soplillarfut pour nous particulièrement vivifiante et pleine de d’espoir pour l’avenir.Il s’agissait d’un échange, débuté en 2019 entre le Centre de Services Environnementaux de Matanzas avec l’Association France Amérique Latine (FAL33), où certains d’entre nous devaient former des membres de la communauté à la réception d’écotouristes. Les autres participants jouant le jeu d’hôte-cobaye. Ainsi nous avons pu profiter d’une grande variété de repas produits au jardin et dans les fermes agro écologiques. Ce village a vécu longtemps de la fabrication de charbon de bois. Il est situé dans la réserve de Ciénaga de Zapata, et se trouve à environ 7 km de PlayaLarga. (Zone célèbre pour la tentative de débarquement dit de la baie des cochons en avril 1961) Nous sommes au cœur d’une biosphère entourée de marais et de bois où vit une grande diversité d’oiseaux migrateurs et endémiques, un paradis pour ceux qui veulent observer, photographier et écouter ces oiseaux. Les sentiers de randonnée nous font découvrir la grande diversité du couvert forestier avec ses grottes et ses cenotes (ce sont des puits d’eau douce dont plusieurs font partie d’un grand système de grottes et de rivières souterraines) afin de comprendre le fonctionnement d’un système karstique complexe. Il communique avec la mer des Caraïbes à certaines périodes de l’année.

Suite à la visite des villes coloniales touristiques de Trinidad et de Cienfuegos nous avons pu  prendre conscience que la sécurité alimentaire nationale reste une urgence stratégique. D’après des éléments entendus le problème fondamental de l’agriculture cubaine serait un problème de  terre.  Les grandes entreprises agricoles d’État disposent de la majorité de la surface agricole et durant des décennies, elles ont gardé 50% de ces terres en friche, 3 millions sur 6 millions d’hectares. (Conséquence peut-être de la monoculture de la canne et de l’épuisement des sols souvent calcaires et pauvres). Malgré une redistribution réelle, ces fermes d’état possèdent encore plus de 800 000 hectares dans ces conditions. Une certaine bureaucratie n’a peut-être toujours pas compris que la mission principale est de faciliter la production pour nourrir la population. Pourtant nous avons vu à Soplillar des petits paysans responsables et pleins d’initiatives. Un exemple pour la population rurale qui ainsi est moins sujette à la crise alimentaire des grandes villes car les paysans arrivent à produire en autosubsistance 70 à  80 % de leur alimentation (sauf le riz, le blé et les haricots dépendant de l’exportation).  La nature tropicale est riche et produit bien pour celui que veut la cultiver…

La situation des villes est beaucoup plus complexe au niveau de l’alimentation car les denrées de base distribuées à prix fixes par le gouvernement (huile,  sucre, riz…) au moyen d’un livret de rationnement suffisent à peine à couvrir la moitié du mois. Les salaires sont très bas et dès que les cubains veulent acheter des produits non réglementés ils doivent payer en dollars ou en monnaie étrangère. Le prix de l’essence est d’environ  1,15 euros du litre et il peut monter jusqu’à 3 euros au marché noir. Nous avons aperçu deux pétroliers (un vénézuélien  l’autre Angolais !).  Une chemise ou une paire de chaussure coûtent 30 dollars presque comme en Europe. Il en est de même pour les pièces de rechange, les appareils électroménagers. Les gens cuisinent avec des cuisinières qui  fonctionnent au charbon de bois car il n’y a pas de gaz (les bouteilles sont rares et chères). Le salaire moyen est de 30 euros, celui d’un fonctionnaire va varier entre 50 à 70 dollars par mois… Les Cubains comptent beaucoup sur la famille à l’étranger qui peut faire venir des produits et des devises.

La pénurie de combustible impacte toute la vie économique. Elle frappe très durement la population en entrainant de grandes difficultés de transport. Partout dans la campagne la traction animale a été réhabilitée. Une voie spéciale pour les charrettes a été instituée sur le bord des autoroutes. Les centrales électriques  de l’île fonctionnent au fuel. Cela implique des restrictions dans la fourniture d’électricité. Il y a encore peu d’énergie solaire et d’éoliennes avec une gestion de l’énergie qui semble manquer de cohérence. La capitale est largement privilégiée avec en support un bateau turc générateur d’électricité amarré dans le port. La Havane peut se permettre de faire tourner de puissants climatiseurs dans les grands restaurants et assumer une débauche choquante de lumière notamment autour du Capitole et des grands hôtels. Peut-être les décideurs agissent par prestige auprès des touristes et des visiteurs et par peur d’une révolte des habitants.  Les autres régions du pays subissent des coupures de plusieurs heures par jour. Pourtant  les infrastructures de base paraissent bonnes. Il y a un réseau électrique bien entretenu et un réseau routier dense (même s’il est parfois détérioré) avec des autoroutes qui relient les principales villes du pays. La Wifi marche avec une carte cubaine quand il y a de l’énergie. L’éducation reste prioritaire et le quadrillage de la population par une bonne politique de santé semble maintenue même s’il y a une grande pénurie de médicaments de base comme les analgésiques de type aspirine. Des règles sanitaires strictes ont été établies que la population a bien acceptées. Chaque habitation possède  sa citerne sur le toit (avec sa pompe électrique), son WC  sa douche et sa fosse septique à la campagne.

Les conséquences du blocus se font sentir dans les secteurs les plus inattendus comme celui de l’informatique. On nous a signalé que dernièrement la société Microsoft a payé plus de trois millions de dollars d’amendes pour avoir prétendument violé les mesures punitives des États-Unis contre Cuba. Une autre information nous apprend que des pressions sont faites  sur les grandes compagnies d’assurances pour qu’elles refusent d’assurer les bateaux pétroliers allant vers Cuba. Ces mesures n’ont jamais rempli les objectifs de soumission voulus. Comme toujours, les sanctions imposées par les États-Unis frappent essentiellement les populations civiles. Le programme pétrole contre nourriture dans l’Irak de Saddam Hussein en fut en son temps une magistrale démonstration. Le blocus injuste est l’un des plus anciens et des plus stricts de tous les régimes de sanctions mis en place par Washington. Après un bref assouplissement, sous l’administration Barack Obama (2009-2017), les mesures coercitives se sont durcies et élargies sous Donald Trump (2017-2021), une politique que le Président Joe Biden  maintient en grande partie tel que le classement de Cuba comme pays soutenant le terrorisme.

Le tourisme représente une des trois sources de revenus dans l’économie cubaine. Il est mis à mal par la pandémie et la limitation des voyages autorisés par le gouvernement des États-Unis. Nous avons vu des villages de vacances et des hôtels confortables et bien bâtis mais peu remplis. Les belles plages semblent vides. L’Etat Cubain  a réalisé des efforts incontestables dans la propreté et dans la sauvegarde de l’environnement. La sûreté est assurée et nous n’avons pas entendu parler de vols ni d’agressions…

En arrivant dans le centre de la Havane,la ville nous est apparue comme  fragmentée, décousue et désordonnée avec une très grande différence entre les quartiers. Ce manque de cohérence donne une mauvaise impression d’inégalités sociales et territoriales. Cela semble générer une inefficacité dans l’utilisation du sol qui détériore l’environnement et maltraite le paysage urbain. Aujourd’hui, il est surprenant d’observer comment, à La Havane, des hôtels neufs et luxueux s’élèvent (avec des fonds de développement saoudien !)  au milieu d’ilôts de grande pauvreté et s’insèrent mal dans un tissu urbain très détérioré sans contribuer en quoi que ce soit à son amélioration.

Un plan global, qui coordonnerait une gestion cohérente de l’urbanisme, semble absent. Un programme d’action dédié aux quartiers vulnérables serait prioritaire pour rendre cette capitale plus habitable. Seules les initiatives privées de propriétaires entreprenants et ayant des connexions à l’étranger ont transformé agréablement et confortablement une partie de leur habitation mais pour les touristes ! Nous avons pu noter  de nombreuses propositions de vente d’habitations dans le centre.

Nous n’avons pas pu savoir sous quelles normes d’habitabilité (m2 de logement par famille) vivent les habitants pauvres de la Havane. Quels sont les niveaux de l’offre d’équipements urbains (cercles d’enfants, écoles, polycliniques, commerces, etc.)

Peu d’informations semblent exister sur les mesures gouvernementales  prises face aux problèmes environnementaux et au changement climatique malgré une conscience et une sensibilité  de certains citoyens.

Parfois un terrain en friche est récupéré par un maraîcher pour des cultures vivrières, des herbes médicinales ou aromatiques. Nous sommes en présence d’un tissu très « poreux », avec de nombreux lots peu ou pas utilisés.

D’après un chiffre à vérifier la municipalité de la vieille Havane aurait 80 000 habitants pour 4 Km2. La  ville aurait connu  un flux migratoire intense de la province qui a sans doute généré de profonds changements sociodémographiques au cours des douze dernières années.

En conclusion, nous le soulignerons et nous le répéterons jamais assez, la priorité absolue est  la levée de ce blocus cruel et injuste. Car bien souvent, nous nous sommes posés la question sur la survie des cubains devant tant de difficultés : manque d’énergie, déplacements cauchemardesques, logements totalement dégradés notamment dans la capitale avec une pénurie alimentaire qui ne permet plus de nourrir toute la population.

La résistance a un tel environnement hostile, conséquence de la politique américaine,  demande une véritable et authentique  volonté politique avec l’adhésion de tous les citoyens. Elle doit dépasser la contradiction entre une bureaucratie  frileuse aux innovations (et qui a peut-être peur de perdre son pouvoir) et les multiples initiatives de débrouillardise issues du peuple et des communautés. Pour une majorité du peuple de Cuba  c’est la seule chance pour améliorer à cours terme le quotidien avant que la situation ne devienne insupportable et incontrôlable. Ce qui laisserait ce généreux pays ouvert à toutes les aventures.

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