L’état moderne et le capitalisme sont fondamentalement corrompus, c’est pourquoi dès leur apparition en Amérique Latine, la corruption y a existé. Depuis l’emploi que fit Santander des ressources de la Colombie afin de laisser les troupes du Libertador démunies de tout argent au 19ème siècle, la corruption s’est donnée deux objectifs : l’enrichissement personnel et la manipulation politique.
La nouveauté du XXè siècle fut la poursuite constante d’une prétendue « lutte contre la corruption » très sélective, dirigée par les Etats-Unis pour faire tomber des gouvernements considérés comme portant atteinte à leurs intérêts hégémoniques dans le monde, et surtout dans ce que ce pays considère comme son « arrière-cour ». Leur utilisation partiale, discriminante et très sélective de la lutte anti-corruption est basée sur cet objectif. Par exemple, la dite « Operation Lava Jato » au Brésil a réussi à atteindre son but : la destitution de Dilma Roussef de la Présidence sans que son implication dans les affaires de corruption et de négligence administrative dont elle fut accusée n’ait jamais été prouvée, ce que reconnurent même des médias tels que la BBC. L’objectif actuel est d’emprisonner le candidat favori des prochaines élections présidentielles, Lula Da Silva.
A l’inverse, les accusations de corruption contre Michel Temer, qui reposent pourtant sur des faits avérés , ont été rejetées et il continue à exercer la présidence du Brésil en toute illégitimité, imposant un retour en arrière dans toutes les avancées politiques réalisées par les gouvernements du Parti des Travailleurs brésilien. Il se passe la même chose dans l’affaire de l’entreprise de bâtiment et de travaux publics Odebrecht, dûment divulguée et filtrée depuis le Département de Justice des États-Unis dans le but d’attaquer des gouvernements progressistes ou des personnalités qui après leur sortie du gouvernement, sont devenus gênantes pour les intérêts états-uniens, comme cela s’est produit au Pérou, au Panama et au Guatemala.
Également utilisé pour discréditer l’image du gouvernement des Kirchner en Argentine, ce moyen est employé pour amener le président de l’équateur, une fois trahi le vote qui le désigna pour poursuivre la ‘révolution citoyenne », à entamer un processus de privatisation et à faciliter la détention du vice-président qui avait été son compagnon de la campagne présidentielle mais qui fut le premier à élever la voix contre ses intentions de privatiser les entreprises de l’état équatorien et à attirer l’attention de manière générale sur la trahison par Lenin Moreno des réalisations de Rafael Correa.
Par contre, l’affaire des Panama’s Papers, dans laquelle étaient impliqués des présidents et leaders de pays alliés des USA comme l’Argentine, le Chili et l’Arabie Saoudite, a été étouffée. Toutefois, l’implication de Macri n’a pas été niée, pas même par son avocat qui s’est contenté de défendre la légitimité des entreprises offshore.
La lutte anticorruption menée par le Venezuela est radicalement différente. Des affaires comme celle de « Coco » Sosa, des dizaines de hauts dirigeants de l’entreprise publique du pétrole PDVSA parmi lesquels l’ex-président Orlando Chacin, prouvent que personne n’est intouchable.
Pour les États-Unis, la « lutte contre la corruption » tant vantée n »est qu’un combat contre l’Etat Nation
Le combat que mène le gouvernement bolivarien contre la corruption est dirigé depuis l’Etat lui-même et adopte une méthode très différente. En premier lieu, c’est le Président Nicolas Maduro lui-même qui en a pris la tête. A plusieurs occasions, il exigea de la Ministre de la Justice, Luisa Ortega Diaz de sanctionner les délits de corruption affectant la stabilité de la nation. Mais Ortega Diaz et son époux German Gerrer ont construit une pyramide d’impunité et faisaient chanter (pour procéder à des extorsions) ceux qui auraient dû être condamnés pour ces mêmes délits, confiants dans le vieil adage qui absout le « voleur volé » ; se voyant découvert, ils ont fui le pays pour se joindre à la campagne internationale contre le Venezuela.
Contrairement à Ortega Diaz, le Procureur Général qui lui a succédé – Tarek William Saab – personnifie l’Etat vénézuélien et a pris l’offensive contre la corruption, aboutissant hier à la détention du déjà cité Orlando Chacin, qui était aussi le vice-président du service Exploration et Production de PDVSA. Des chefs d’accusation tels que « association de malfaiteurs, obstruction à la liberté de commerce et collusion de fonctionnaires avec des entreprises », ainsi que de » péculat, détournement de fonds et dommages causés à l’industrie pétrolière » lui ont été imputés.
Cela permet de constater deux choses : premièrement que la lutte menée contre la corruption inclut les cadres supérieurs les plus proches du gouvernement, deuxièmement, que la corruption constitue l’instrument utilisé par les intérêts des transnationales pour saboter l’économie nationale et détruire l’infrastructure de la plus importante entreprise du Venezuela.
La réaction de médias tels que Reuters a été très suspecte, car au lieu de saluer ces détentions, l’agence tente de ternir cet important coup porté à la corruption en dénonçant un prétendu affrontement qui n’existe pas entre le Tribunal Suprême de Justice et le Ministère Public.
En plein XXIème siècle, tandis que les médias privés d’information contrôlent toujours davantage l’opinion publique, au beau milieu d’une guerre multidimensionnelle qui produit des matrices d’opinions bénéficiant à l’élite occidentale, les enquêtes des principales agences internationales et d’ONGs qui publient et établissent des classements (rankings) de corruption, se basent sur des « enquêtes d’opinion » et non sur des chiffres réels, comme par exemple le nombre de plaintes publiques ou officielles déposées, de chefs d’accusation et d’arrestations, ce qui aurait un caractère plus scientifique mais pourrait évidemment montrer au grand jour la réalité des chiffres, mettant les Etats-Unis et leurs alliés de la région sur la sellette.
Cela montre clairement que le modèle étasunien de « lutte contre la corruption » tant vanté n’est qu’un combat acharné contre l’Etat-nation pour éliminer les contrôles et faire du pillage et de la spoliation des ressources des pays d’Amérique Latine un acte légitime, par des discours prétendant justifier la nécessité de réduire la figure étatique et de tout abandonner aux mains des monopoles privés.
Pour le Venezuela en revanche, la lutte contre la corruption est un combat vital pour garantir la solidité de l’Etat, protéger et réorganiser les entreprises importantes pour le pays (comme la compagnie pétrolière publique PDVSA) ainsi que le système de gestion des devises dans un contexte économique où elles sont moins abondantes que les années antérieures. Toutes ces actions dépassent la simple question de l’économique et ont pour objectif la sécurité et la défense nationales.
Traduction : Frédérique Buhl
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