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| 5 décembre 2017Après plus d’une semaine de retards et d’incidents plus suspects les uns que les autres, le Tribunal suprême électoral (TSE) hondurien a annoncé le4 décembre les résultats « provisoirement définitifs » de l’élection présidentielle du dimanche 26 novembre dernier. Ceux-ci donneraient la victoire à Juan Orlando Hernández, le président de la droite « post coup d’Etat » en exercice, qui se représentait illégalement, avec 42,98 % des suffrages. Crédité de 41,39 %, Salvador Nasralla, candidat d’une coalition, l’Alliance d’opposition contre la dictature, ayant pour coordonnateur l’ex-chef de l’Etat renversé en 2009 Manuel Zelaya, dénonce une fraude et refuse, avec de bonnes raisons pour le faire, de reconnaître le verdict du TSE. Alors que le pouvoir a décrété l’état d’urgence et que les manifestations se multiplient, un dangereux bras de fer est engagé.
C’est dans le cadre de scrutins à un seul tour que 6,2 millions de citoyens ont été appelés à élire leur président de la République, mais aussi trois vice-présidents, 128 députés au Congrès, 20 députés au Parlement centraméricain et 298 maires. Sur les neuf aspirants à la magistrature suprême, seuls deux avaient une chance de l’emporter : Hernández, pour le Parti national (PN) et Nasralla pour l’Alliance d’opposition.
Ce 26 novembre, la nuit n’est pas encore tombée que, dans le plus pur style de la droite « putschiste » hondurienne, Juan Orlando Hernández (dit « JOH ») s’enflamme devant ses militants : « Le décompte est plus que clair et indiscutable, nous avons gagné ! »
A ce moment précis, aucun chiffre officiel n’a encore été communiqué par le TSE. Mais un sondage « sortie des urnes » le crédite de 43,93 % des voix contre 34,70 % au candidat de l’Alliance d’opposition contre la dictature Salvador Nasralla, arrivé en deuxième position. Une information fiable ? L’institut Ingeniera Gerencial, qui a réalisé cette enquête, appartient au « tsar des sondages » Arturo Corrales, ex-ministre des affaires étrangères (septembre 2011-avril 2013) de Porfirio Lobo (PN), puis d’Hernández lui-même (janvier 2015-avril 2016), et ministre de l’intérieur pendant dix-huit mois entre-temps. Pour peu que l’on ne travaille pas dans un média appartenant à l’oligarchie hondurienne, on a déjà connu plus évidente garantie de neutralité.
Le processus électoral ne pouvant de ce fait être donné comme complètement terminé, Nasralla, candidat d’une coalition de partis du centre et de gauche, proclame également sa victoire, sur la base de résultats partiels peut-être plus dignes de foi annoncés le lundi à 1h45 du matin : après dépouillement de 57 % des actes électoraux, le TSE lui octroie officiellement 45,17 % des suffrages contre 40,21 % à Hernández. Cinq points d’avance (93 975 voix). « Un résultat irréversible », n’hésite pas à affirmer Marco Ramiro Lobo, l’un des quatre magistrats du TSE.
Une affirmation d’autant plus raisonnable que, lors de la présidentielle précédente (24 novembre 2013), dès le lendemain du scrutin, après dépouillement de 67 % des suffrages, le déjà président du TSE David Matamoros avait déclaré, annonçant la victoire (contestée) de « JOH » : « Le résultat est sans appel. Les chiffres que nous avons donnés reflètent une tendance qui est irréversible. Les résultats ne vont pas varier [1]. »
On en est donc là lorsque, curieusement, la remontée des résultats des bureaux de vote s’interrompt brutalement.
Dans la journée de lundi, le président de la Conférence permanente des partis politiques d’Amérique latine et des Caraïbes (COPPPAL), Manolo Pichardo, fait part de son étonnement : « Ce qui nous surprend pratiquement tous c’est que (…) on ne connaisse toujours pas officiellement quel candidat a gagné les élections [2] » De fait, alors que les dirigeants du Parti national demandent à leurs sympathisants de se préparer à « défendre le triomphe dans la rue », Nasralla avertit : « Nous allons lutter pour défendre ce que nous avons gagné dans les urnes. »
Donné en troisième position, le candidat du Parti libéral Luis Zelaya (aucun lien de parenté avec l’ancien chef de l’Etat) reconnaît sa défaite et la victoire de Nasralla, qu’il félicite. Ce dernier évoque déjà une fraude. Hernández et les dirigeants du Parti national multiplient les provocations.
Pressé de questions sur les délais anormalement étirés du dépouillement, le président du TSE Matamoros informe que 30 % des actes électoraux (2 millions de bulletins de vote), essentiellement ruraux, n’ayant pu être transmis électroniquement du fait d’une « surcharge des serveurs », ils doivent être transportés physiquement à Tegucigalpa, la capitale, par l’armée. En conséquence, ajoute-t-il, on ne connaîtra l’issue définitive du scrutin que… le jeudi 30 novembre – quatre jours après la clôture des bureaux ! Le genre d’annonces qui, survenant au Venezuela, déclencherait une tourmente médiatique et un scandale international instantanés.
Le mercredi 29, le TSE communique au compte-gouttes de nouveaux chiffres tendant à démontrer que l’écart se resserre entre les deux candidats. Puis le système de transmission des résultats du TSE tombe en panne. Lorsque, cinq interminables heures plus tard, il se remet à fonctionner, « JOH » se retrouve miraculeusement en tête avec 42,2 % des suffrages contre 42,1 % à Nasralla (une différence de 3 000 voix). Ce dernier annonce que le pacte qu’il a signé en présence des observateurs de l’Organisation des Etats américains (OEA), et dans lequel il s’engageait à reconnaître le verdict de l’arbitre électoral, n’a plus aucune validité, car on lui a « tendu un piège ».
Depuis Washington, l’OEA critique vertement cette décision tout en réclamant que « dans le calme et l’impartialité, les votes soient comptés de façon transparente ». La tension monte dès lors dangereusement.Pour ceux qui l’ont vécue, la situation rappelle un fâcheux précédent : la honteuse présidentielle du 24 novembre 2013.
A cette occasion, la candidate d’opposition la mieux placée s’appelait Xiomara Castro et représentait le parti Liberté et refondation (Libre). Epouse de l’ex-chef de l’Etat Manuel Zelaya, renversé par un coup d’Etat le 28 juin 2009 pour avoir voulu mener un train de réformes indisposant les représentants de la « bonne société » et Washington, elle fut déclarée battue (28,78 % des suffrages) par Hernández (36,89 %) au terme d’un scrutin entaché par de fortes suspicions de fraude et de graves irrégularités. Malgré leurs dénonciations argumentées, et celles de Nasralla, arrivé alors en troisième position (13,43 %) pour le compte du Parti anticorruption (PAC), le résultat fut entériné dans des conditions extrêmement contestables par les missions d’observation de l’OEA et de l’Union européenne (UE), que dirigeait en la circonstance l’autrichienne Ulrike Lunacek [3]>.
En conséquence, quatre années plus tard, la présence de ces mêmes missions ne rassure guère les forces progressistes ou même simplement démocratiques sur leur éventuelle contribution au respect par la droite « post-coup d’Etat » des règles du jeu. Et ce d’autant moins que le chef de la délégation de l’OEA, l’ex-président bolivien conservateur Jorge « Tuto » Quiroga (jamais élu à cette fonction, mais y ayant accédé, en tant que vice-président, lors de la mort du chef de l’Etat Hugo Banzer en mai 2002) participe activement à la virulente campagne de déstabilisation menée contre le président vénézuélien Nicolás Maduro, en compagnie de ses ex-collègues les plus rances – Andrés Pastrana et Álvaro Uribe (Colombie), Vicente Fox et Felipe Calderón (Mexique), José María Aznar et Felipe González (Espagne), Eduardo Duhalde (Argentine), Sebastián Piñera (Chili), Óscar Arias (Costa Rica), Lucio Gutiérrez (Equateur), Alfredo Cristiani (Salvador), Alejandro Toledo (Pérou), etc.
Jamais, depuis leurs continents respectifs, l’OEA et l’UE n’auront fait preuve d’un tel cynisme. Depuis Washington, le secrétaire général de l’organisation panaméricaine, Luis Almagro, mène une offensive d’une violence extrême contre Caracas, poussant l’aberration (et le ridicule !) jusqu’à prétendre envoyer Maduro et son gouvernement devant la Cour pénale internationale (CPI). L’Union européenne « glyphosatée » [4], suivant servilement les desiderata de Donald Trump, a adopté le 13 novembre des sanctions contre le Venezuela. Mais ni les uns ni les autres, pas plus que la fameuse « communauté internationale » dont ils se réclament, n’ont seulement levé un sourcil devant le scandale que constitue la candidature de « JOH » à cette élection.
Le 28 juin 2009, c’est par un supposé viol de la Constitution, qui interdit expressément la réélection présidentielle, qu’a été justifié par les représentants de l’oligarchie – le Parti national, une faction du Parti libéral, l’armée, les médias, l’Eglise et les corps constitués – le renversement de Manuel Zelaya [5]. Il s’agissait d’un grossier mensonge : le seul tort du chef de l’Etat fut alors de vouloir organiser en toute légalité une consultation populaire, sans caractère contraignant, sur la possible convocation d’une Assemblée nationale constituante (ANC) destinée à élaborer une nouvelle Constitution [6]. Cette consultation ayant lieu le même jour que les élections générales, dont la présidentielle, il lui était impossible, comme on l’en a accusé, de s’y présenter pour se perpétuer au pouvoir illégalement.
Grâce à la féroce répression qui a suivi, les gouvernements de Porfirio Lobo (2010-2013), « vainqueur » après le « golpe » d’élections considérées comme illégales et boycottées par une grande partie de la population, puis d’Hernández (de 2013 à aujourd’hui), ont pu réimposer le carcan néolibéral au pays. Tâche d’ « utilité privée » que « JOH » entend bien poursuivre. Raison pour laquelle ce qui était interdit hier doit soudain devenir possible demain. Et de la plus impudente des façons…
L’exécution de la forfaiture débute en août 2013 quand le Parlement, que domine le Parti national et que préside alors Hernández, déjà candidat à la présidentielle du mois de novembre suivant, destitue, sans aucune attribution pour le faire, quatre des cinq magistrats de la Salle constitutionnelle de la Cour suprême de justice (CSJ). Ces derniers venaient imprudemment de rejeter le « projet phare » de « JOH » et de ses comparses, la loi des « villes modèles » [7] – des enclaves échappant aux lois sociales et aux juridictions nationales offertes, avec une main d’œuvre pieds et poings liés, aux investisseurs internationaux.
Nommés en janvier 2014, les nouveaux magistrats reviennent docilement sur cette décision. Ayant échappé à la destitution pour s’être prononcé en faveur des « villes modèles », Óscar Chinchilla devient procureur général de la République. Lorsque Hernández, désormais chef de l’Etat, manifeste son intention de postuler à un second mandat, que tout un chacun sait prohibé, ce beau monde hoche la tête, les doigts sur la couture du pantalon.
« JOH » ayant également renouvelé le haut commandement militaire et policier en y plaçant complices et alliés, nul ne bronche d’avantage quand, en avril 2015, la Cour suprême de justice déclare « inapplicable » l’article de la Constitution contenant l’interdiction de la réélection et lorsque le Congrès rejette la demande de Libre, du Parti libéral et du Parti anticorruption, qui réclament l’organisation d’un référendum permettant de consulter « le peuple » sur cet ukase. A quoi bon ? Hernández n’a-t-il pas entre les mains le résultat de sondages qui établissent que 70 % des Honduriens sont d’accord avec la réélection ? « Il faut regarder le reste du monde, déclare-t-il avec le plus grand sérieux, là où la réélection permet un second mandat, et se demander pourquoi on y progresse plus que nous, et aussi pourquoi nous devrions rester avec notre exception, dans une situation où, tous les quatre ans, alors qu’on a commencé à avancer, arrive quelqu’un qui détruit tout [8]. »
C’est ainsi qu’en décembre 2016, le Conseil national électoral entérine la candidature de « JOH » à un second mandat. Pour la petite Histoire, l’un des adversaires les plus farouches de ce tour de passe-passe s’appelle Romeo Vásquez : chef de l’armée en 2009, c’est lui qui, sur le thème de la non-réélection, pour obéir à l’oligarchie, a accompli les basses œuvres en procédant avec ses troupes au renversement de Zelaya. Désormais à la retraite, et traînant derrière lui l’image hideuse du putschiste, il semble ne guère apprécier la duplicité des « politicards » qui, après l’avoir instrumentalisé et déshonoré, ont tranquillement repris, pour leur seul profit, le partage du gâteau.
Alors que se multiplient les manifestations indignées de protestation, la police réprime avec allégresse, l’armée se déclare « respectueuse » des décisions du TSJ et du CNE, le ministère public garde un silence sépulcral et l’Eglise qui, en 2009, hurlait à la mort en préparant la crucifixion de Zelaya, enjoint les fidèles de se laisser gentiment domestiquer : « En tant que chrétiens, nous ne pouvons pas agir de façon irresponsable, nous devons participer aux élections » (Conférence épiscopale, 27 février 2017).
Quant à la Mission d’appui contre la corruption et l’impunité au Honduras (MACCIH), mandatée depuis le 19 avril 2016 dans ce pays failli par la très vertueuse OEA, elle s’en lave les mains : « Nous ne nous mêlons pas de politique », déclare avec beaucoup de respect dans la voix, le 19 août 2016, oubliant pour une fois Caracas, son porte-parole Juan Jiménez Mayor.
Qu’on ne rie pas. C’est une histoire de fou, mais malheureusement elle est vraie.
Depuis le « golpe » de 2009, le Honduras vit sous la dictature de la CIA : Corruption, Insécurité, Autoritarisme. Avec 65 % de sa population vivant sous le seuil de pauvreté, dont 42 % en situation d’indigence, d’après la Banque mondiale, cette ex (?) République bananière de 9,1 millions d’habitants survit grâce aux transferts d’argent (18,5 % du PIB) de son million d’émigrés, exilés surtout aux Etats-Unis. Pour ne prendre que cet exemple, ceux qui vivent encore dans le pays ont dû subir la privatisation de l’Entreprise nationale d’énergie électrique (ENEE). Suivant scrupuleusement le credo du Front monétaire international (FMI), ce transfert a très classiquement provoqué une augmentation des tarifs de 100 % à 200 %, faisant de l’électricité hondurienne la plus chère de toute l’Amérique centrale. Fort heureusement pour eux, dans les campagnes, certains s’éclairent encore à la bougie.
Gangrené comme ses voisins salvadorien et guatémaltèque par les « maras » – gangs impliqués dans le trafic de drogue et le crime organisé –, le pays connaît un taux d’homicide parmi les plus élevés au monde (63,8 pour 100 000 habitants en 2015 ; 93,2 en 2011). Au prétexte de combattre ce fléau, Hernandez a créé une Police militaire d’ordre public (PMOP), garde prétorienne financée par un nouvel impôt. Un de plus. Marquant la fin de près de vingt ans de démilitarisation progressive, après la transition ayant suivi la dictature militaire des années 1980, cette initiative n’a pas pour seule cible la délinquance, loin de là. Lorsqu’on remet les choses à leur vraie place, on se rend compte que contrôle social et répression constituent les objectifs prioritaires de l’opération. La réforme du code pénal, également promue par « JOH », a très clairement attribué à l’armée la tâche de réprimer « la sédition, les actes de terrorisme, et l’altération de l’ordre public et de la stabilité sociale à travers le vandalisme ». Pour qui sait lire entre les lignes : les manifestations d’opposition.
L’assassinat, le 2 mars 2016, de Berta Cáceres, indienne Lenca coordinatrice du Conseil civique des organisations populaires et indigènes du Honduras (Copinh), a levé un coin de voile sur les méthodes expéditives ayant cours sur ces terres un peu trop oubliées des médias – qui se passionnent en revanche pour le Nicaragua voisin, où l’on peut dénigrer à cœur joie (au nom de quelques critiques légitimes, mais aussi et surtout pour de mauvaises raisons) le pouvoir sandiniste. Il est vrai que celui-ci, aggravant son cas, a développé des programmes sociaux qui lui valent l’appui populaire.
Huit hommes ont été accusés du meurtre de Cáceres, militante opposée à la construction du barrage hydroélectrique Agua Zarca, sur le río Gualcarque : deux sont en relation directe avec Desarrollos Energéticos (DESA), l’entreprise propriétaire, et trois liés aux services de renseignement de l’armée. Le 19 novembre dernier, deux policiers ont été arrêtés à leur tour – Juan Carlos Cruz et Miguel Arcángel Rosales – pour avoir falsifié les preuves recueillies pendant l’enquête afin de protéger les inculpés et présenter l’affaire comme le résultat d’un vol ou d’un crime passionnel.
Alors que, d’après un rapport du Groupe conseil international des personnes expertes (Gaipe) [9], l’assassinat de Cáceres a été planifié par des cadres de DESA et des agents de l’Etat, aucun de ces auteurs intellectuels n’a été à ce jour inquiété.
Il va de soi que ce drame, qui a indigné la communauté des défenseurs de l’environnement, ne peut se convertir en un arbre cachant la forêt. Depuis 2010, 123 militants – politiques liés à Libre, syndicaux ou paysans – ont été massacrés dans la plus totale impunité, en particulier dans la région du Bajo Aguán, où les grands propriétaires producteurs de palme africaine persécutent les « sans terre ».
Comment en rendre compte ? Alors que les médias dominants – El Heraldo, La Prensa, Tiempo, La Tribuna, les chaînes Canal 5, Canal 13 et Canal 7 de télévision, HRN pour la radio, etc. – verrouillent le système, soixante-deux journalistes, photographes cameramen et propriétaires de médias alternatifs, critiquant généralement les autorités au pouvoir, ont été assassinés depuis 2008. Sans parler des menaces subies et des agressions [10].
En matière de corruption, le ver est dans le fruit au plus haut niveau. En janvier 2014, le directeur de l’Institut hondurien de sécurité sociale (IHSS) pendant le mandat de Porfirio Lobo, Mario Zelaya (aucun lien de parenté non plus avec l’ancien président) s’enfuit précipitamment. On vient de découvrir que 120 millions de dollars (qui deviendront bientôt 200 millions) destinés à l’achat de médicaments, de fournitures pour le système sanitaire et le paiement de pensions de vieillesse se sont « évaporés », ruinant l’Institut. Mais pas tout le monde, cela va de soi. Désormais en cavale, Zelaya revend en hâte pour 300 000 dollars la luxueuse résidence qu’il possède en Louisiane, près du lac Pontchartrain.
Arrêté neuf mois plus tard près de la frontière du Nicaragua, il doit affronter la justice. « Cette détention est une démonstration convaincante du fonctionnement diligent et effectif des institutions de sécurité et de défense de l’Etat », se félicite bruyamment le président Hernández. Il va devenir beaucoup moins prolixe lorsque, en mai 2015, la coordinatrice du Conseil national anticorruption (CNA), Gabriela Castellanos, amorce une série de révélations au long desquelles on découvrira que 136 000 dollars de ce butin volé à la population la plus nécessiteuse ont atterri, en chèques et en espèces, dans les caisses du Parti national pour financer… sa campagne électorale.
Sept fonctionnaires seront incarcérés au Honduras dans le cadre de cette affaire, trois autres aux Etats-Unis, au Panamá et au Chili ; des comptes bancaires seront saisis, ainsi que soixante propriétés, moitié sur le territoire américain, moitié au Honduras. Un malheur n’arrivant jamais seul, la vice-présidente du Congrès Lena Gutiérrez (Parti national) tombe à son tour en juin 2015 : l’entreprise Astropharma, qui appartient à sa famille et pour laquelle elle a travaillé, a surfacturé jusqu’à 5000 % les médicaments qu’elle vend aux hôpitaux publics. Puis on en reste à peu près là des révélations. Et pour cause…
Le 1er juin, Roberto Ramírez Aldana, le procureur qui a découvert la colossale fraude de l’IHSS, a pris l’avion pour la France où il représentera le Honduras à l’Unesco. Au moment de son départ, il a clairement précisé qu’il n’a pas démissionné de sa fonction de procureur, mais qu’il a seulement demandé « une permission spéciale » lui permettant de s’absenter de son travail « pour raisons de sécurité ».
Des dizaines de milliers de Honduriens descendant dans la rue pour exiger la démission d’Hernández, la crise prend de l’ampleur et c’est pour la désamorcer qu’est négocié avec l’OEA la venue en janvier 2016 de la Mission d’appui contre la corruption et l’impunité (MACCIH). Dépourvue de pouvoir réel, son équipe internationale de juges et d’avocats n’a pour fonction que d’apporter un « appui technique » aux enquêteurs et procureurs locaux. « Une pantomime », estimera Alexander Main, chercheur au Center for Economic and Policy Research (CEPR) [11].
Personne, même le plus naïf, n’ignore au Honduras l’existence d’une quantité de criminels ni celle d’un grand nombre de politiciens qui ne valent pas mieux.
Les Etats-Unis estimaient en 2011 que 60 % de la cocaïne parvenant sur leur territoire en provenance de Colombie transitaient par l’Amérique centrale, en lien avec les cartels mexicains de Sinaloa et des Zetas. Stratégiquement situé, le Honduras s’est fait une spécialité des vols à basse altitude, pour éviter les radars, d’avions qui, chargés de neige bien empaquetée dans des emballages plastiques, atterrissent n’importe où, à n’importe quelle heure et dans n’importe quelles conditions. Sans parler des fast boats ou autres embarcations qui croisent au large des côtes de la très isolée Moskitia.
Au terme d’une longue traque, des agents américains de la Drug Enforcement Administration (DEA) et les hommes d’un bataillon spécial hondurien arrêtent début octobre 2014, près de la frontière du Guatemala, les redoutables chefs du cartel del Valle : les frères Miguel Arnulfo (chef du clan) et Luis Alonso Valle Valle. Rejoints plus tard par le troisième frère, José Inocent Valle (dont la femme Griselda Amaya Arguera a déjà été capturée), ils embarqueront le 18 décembre dans un Beechcraft B300 SuperKing appartenant au Département de la Justice US, direction les geôles des Etats-Unis. D’après les rapports dressés avant leur capture, ils dirigeaient une organisation criminelle « employant une combinaison de violence brutale et de corruption publique », exécutant de millionnaires opérations de blanchiment de l’argent sale à travers des exploitations honduriennes productrices de café, de bétail et de lait.
Dans le cadre de cette guerre sans fin, le clan del Valle, désarticulé, a laissé la domination du Honduras à d’autres seigneurs et maîtres, les Cachiros. Qui à leur tour, comme nombre de leurs prédécesseurs, vont pouvoir vérifier la pertinence du postulat numéro un du business : peu de trafiquants meurent dans leur lit ; leur fin naturelle est le cimetière ou la prison. En janvier 2015, acculés, les Cachiros se sont d’eux-mêmes livrés à la justice américaine. Provoquant quelques sérieux dégâts collatéraux.
En 2004 déjà, un document de Wikileaks avait révélé que les vestiges d’un avion ayant transporté au moins une tonne de cocaïne avaient été enterrés dans la propriété de Miguel Facussé Barnum, où il avait atterri. Grand propriétaire cultivant la palme africaine dans le Bajo Aguán, bourreau des petits paysans, industriel éminent, homme parmi les plus riches de la nation (sa famille possède le quotidien La Tribuna), Miguel Facussé participera activement, cinq ans plus tard, à la conspiration contre Manuel Zelaya.
En liberté, les frères Devis Leonel et Javier Rivera Maradiaga, capos des Cachiros, faisaient trembler tous leurs rivaux (Leonel a avoué devant les enquêteurs américains avoir participé à 78 assassinats). Mais, depuis qu’ils « balancent », un certain nombre de membres de l’oligarchie, de députés, de juges, de banquiers, de fonctionnaires publics, d’officiers de l’armée et de la police dorment très mal la nuit.
Les premiers à tomber, suite aux aveux des détenus, ont été les notables de la richissime famille Rosenthal, l’une des plus influentes du pays (propriétaire du quotidien Tiempo et du Canal 11 de télévision,pièce maîtresse du « golpe » de 2009). En octobre 2015, Yankel Rosenthal, arrêté à Miami, y comparaît devant un juge. Au mois de juin précédent, il était encore ministre de l’Investissement de « JOH ». Sans barguigner, il plaide coupable de crime de blanchiment d’argent et de trafic de drogue, en liaison avec plusieurs cartels, dont celui des Cachiros. Selon le bureau du procureur du district Sud de Miami, Rosenthal, à travers son Grupo Continental (ou Continental Group), « a cherché à blanchir de l’argent en achetant des biens immobiliers aux USA et en faisant des contributions politiques au Honduras. »
De révélation en révélation, toute la famille se retrouve emportée par la tourmente : Jaime Rosenthal Oliva, le patriarche (79 ans), ex-vice-président du Honduras (1986-1989) et son cousin Yani Rosenthal Hidalgo ; tous deux ont été sans succès candidats à la magistrature suprême pour le compte du Parti libéral. Des liasses de leurs dollars ont atterri dans des sociétés offshore – Shalimar, Ltd., Desland Overseas, Ltd., Investissements Preyden, Ltd. – situés dans les îles Vierges britanniques, mais aussi dans des établissements américains de Floride – Inverciones Continental U.S.A., Corp., Shalimar Real Estate Holdings II, Inc., and Shalimar Real Estate Holdings III, Inc.
Le 20 juin 2015, toujours grâce à la coopération de Rivera Maradiaga, Fabio Lobo Lobo, fils de l’ex-président Porfirio Lobo, tombe entre les mains de la DEA en Haîti. Expédié manu militari aux Etats-Unis, il s’y déclare coupable d’« association de malfaiteurs pour trafiquer de la cocaïne ». On considérera ici qu’un individu, fut-il chef de l’Etat, n’est pas, par définition, responsable des agissements de ses enfants ou de sa famille [12]. Mais, lorsque Rivera Maradiaga prétend également avoir payé des milliers de dollars à Porfirio Lobo en personne, dans le cadre d’un marché nébuleux, tout un chacun se doit d’ouvrir l’oreille. Tout comme les sourcils se haussent quand apparaît le nom du frère de « JOH », Tony Hernández [13]. Député du Parti national, ce dernier a en tant qu’avocat défendu (ce qui n’a rien de répréhensible, le droit à la défense devant être ardemment protégé) des trafiquants de drogue, mais en aurait également favorisé la fuite, ce qui relève moins de la déontologie. Si les autorités anti-narco américaines ne le lient pas publiquement au trafic, elles ne l’en considèrent pas moins comme « une personne digne d’intérêt [14] ».
Sans faire fi de la présomption d’innocence, cette énumération pourrait continuer, démontrant qu’on se trouve là dans un Etat failli et que la fébrilité de cette oligarchie pour renverser hier Zelaya et se maintenir aujourd’hui au pouvoir n’a pas que de « nobles raisons ». Il leur procure une relative impunité.
Sur un terrain moins marécageux, s’y ajoute la poursuite du modèle économique qui a donné de si piètres résultats (pour la population s’entend). Avec les mêmes recettes et projets. Promettant de créer six cent mille emplois, « JOH » ressort de sa manche les fameuses « villes modèle », ces « Hongkong au Honduras » qu’il promouvait déjà en 2011 lorsqu’il était président du Congrès. Pour contourner le rejet qu’elles provoquent au sein de la population, elles ont simplement été rebaptisées Zones spéciales de développement et d’emploi (ZEDE). Jadis repaires de pirates, et donc en parfaite adéquation avec le projet, les îles du Cygne, au large de la côte caraïbe, pourraient être les premiers territoires où s’installera(it) cet « îlot d’opportunités » autogouverné, c’est-à-dire dirigé par des investisseurs disposant de leurs propres police, justice, lois et fiscalité [15].
Après le traumatisme du coup d’Etat suivi de l’élection sans doute volée de 2013, l’opposition a dû se recomposer pour faire face à ce système autoritaire et mafieux. Dirigée par le toujours populaire Manuel « Mel » Zelaya, Libre, deuxième force politique du pays, a résisté tant que faire se peut depuis le Congrès. Mais, s’il a pu montrer ses muscles, c’est surtout dans la rue. La vie du parti a été classiquement agitée de conflits internes – le principal, comme quasiment partout dans le monde, tournant autour de la trop forte emprise des dirigeants au détriment des militants. Le thème de la réélection a également fourni son lot de contradictions et de critiques. Menant énergiquement la fronde dans un premier temps, Zelaya a par la suite baissé le ton, finissant par accepter les faits : après tout, la nouvelle donne, lui offre la possibilité, un jour, de se représenter lui aussi (tout comme les ex-présidents de droite encore en âge de le faire, Carlos Flores, Ricardo Maduro, Roberto Suazo, Rafael Callejas, Porfirio Lobo et le putschiste Roberto Micheletti).
Révélation du scrutin de 2013 où, total outsider, il arriva troisième, l’ancien présentateur de télévision et spécialiste du football Salvador Nasralla a su faire fructifier, à titre personnel, cet excellent résultat. En revanche, son Parti anticorruption, créé de bric et de broc pour l’occasion, sans idéologie réellement définie, a sombré corps et bien. Dans les années 1930, Sam Zemurray, président de la pieuvre bananière américaine United Fruit en avait déjà ricané : « Au Honduras, il est moins cher d’acheter un député qu’une mule ! » Rien n’a vraiment changé. Plusieurs des treize députés du PAC, davantage mus par l’ambition et les intérêts que par l’idéal, se sont fait débaucher par l’ennemi. Libre a subi la même mésaventure : sur ses trente-sept députés de départ, il ne lui en reste que trente-deux.
Au fil des mois, un constat s’impose : seule une coalition peut permettre d’en finir avec le Parti national et son âme damnée « JOH », maîtres dans l’art des manipulations en tout genre. Lors de sa Convention célébrée en mai 2017, le candidat à la présidence pour le Parti libéral, Luis Zelaya, demande pardon aux militants et sympathisants de base pour le coup d’Etat de 2009, qui a renversé l’un des leurs, « Mel Zelaya » et, en cassant le parti, a relégué ce qui en reste (les dissidents ayant rejoint Libre et « Mel ») dans les soutes de la vie politique. Mais de vieilles rancœurs demeurent chez les dirigeants. Ils imposent que, si le parti rejoint l’Alliance d’opposition en formation, Luis Zelaya doit la diriger, et en aucun cas Salvador Nasralla, Manuel Zelaya ou Xiomara Castro.
Un tel oukase passant très mal, venant d’une formation en aussi mauvaise posture, l’Alliance d’opposition contre la dictature se fera sans elle. Et sans le PAC, dont une partie des notables n’appuient plus Nasralla. En effet, pour faciliter ce nécessaire accord, Manuel Zelaya, qui se sait « polarisant », a annoncé, faisant preuve d’une grande maturité politique, qu’il est disposé à laisser de côté toute ambition personnelle, posture imitée par son épouse Xiomara Castro.
Lorsque est prise la décision d’avoir pour candidat Nasralla, qui n’est en rien ce qu’on appelle un « homme de gauche », quelques remous secouent la base de Libre, mais, surtout, et pour une raison inverse, diverses personnalités du PAC : elles n’acceptent pas de voir leur lider se mettre au service d’une coalition aussi large et penchant… à gauche. C’est donc sans le parti qu’il a créé en 2011, mais fort de son charisme et de sa popularité, que Nasralla se lance en campagne aux côtés de Libre et du petit Parti Innovation et unité (PINU) de centre gauche, avec comme aspirants vice-présidents Xiomara Castro (Libre) et Guillermo Valle (PINU).
Les alliés et collaborateurs de Nasralla, ceux des siens qui l’ont suivi, trouvent leur place, pour les législatives, sur les listes du PINU. Fille de la militante assassinée, Olivia Marcela Zúniga Cáceres se présente à la députation avec Libre. « Mel Zelaya » demeurant dans une ombre relative l’architecte de la coalition, on retrouve dans son programme une bonne partie des propositions politiques et sociales des secteurs qui sont nés de la résistance au coup d’Etat.
Il fallait s’y attendre… Dans les jours précédant le scrutin, un sinistre personnage, l’américain Otto Reich, ex-agent de la CIA, haut fonctionnaire du Département d’Etat sous les administrations de Ronald Reagan et de George Bush (père), acteur de la sale guerre contre le Nicaragua sandiniste dans les années 1980, ex-ambassadeur au Venezuela, désormais sans fonction officielle mais omniprésent dans les coulisses du pouvoir américain, fait sensation en avertissant : cent quarante-cinq Vénézueliens « chavistes » ont passé la frontière du Honduras, déguisés en touristes, pour s’incorporer à « la campagne perverse » qui favorise les amis de « Mel » Zelaya.
Il fallait s’y attendre aussi… Quelques jours plus tard, et alors que de toute part monte l’inquiétude devant les dysfonctionnements de l’élection hondurienne, le secrétaire général de l’OEA Luis Almagro, depuis Washington, pique une colère homérique. Evoquant la fraction de la droite vénézuélienne qui, en République dominicaine, va se rasseoir pour dialoguer avec les représentants du président Maduro, il exprime sèchement sa réprobation : « Je crois que, définitivement, l’opposition va devoir séparer le bon grain de l’ivraie [16]. » Depuis que la violence a cessé et qu’on ne ramasse plus les morts, Almagro est très malheureux.
A Tegucigalpa, le jeudi 30 novembre, malgré les engagements du TSE, toujours pas de résultats. Du fait des soupçons de fraude, des manifestations éclatent dans la capitale et dans quatorze des dix-huit Départements, où des barrages coupent les voies de communications. Le premier mort tombe sous les coups de la répression.
Le lendemain, sur la base de 94,31 % des 18 128 procès-verbaux définitivement entérinés, « JOH », avec 45 000 voix d’avance (1,5 %), maintient officiellement son avantage. Considérés comme « litigieux », 1031 actes (les 5,69 % restant) devront faire l’objet d’un « scrutin spécial » et n’ont pas été enregistrés. Or, s’indigne l’Alliance d’opposition, une quantité tout à fait anormale de procès-verbaux sur lesquels Nasralla arrive en tête ont été placés en attente dans cette catégorie. Compte tenu de la différence infime séparant les deux candidats, les 300 000 voix qu’ils concernent sont susceptibles d’inverser la tendance.
Manœuvre ? Manipulation ? Le temps qui passe et s’étire sans que cette étape ultime ne soit entamée permet d’imprégner l’opinion des chiffres qui laissent entendre : Hernández a gagné.
Lorsque, enfin, le samedi 2 décembre, six longs jours d’incohérences après le scrutin, Matamoros annonce que l’autorité électorale va commencer la phase « spéciale » de recomptage de ces procès-verbaux en présence de représentants des partis, la tension a monté dangereusement. A la rage légitime (mais pacifique) des opposants, portés au rouge par le souvenir du coup d’Etat et des deux élections illégitimes qui ont suivi (2009 et 2013), s’est ajoutée la ponctuelle présence de délinquants. Profitant de la situation, des groupes incontrôlés pillent des commerces et sèment la confusion. Pain béni pour le pouvoir : il instrumentalise ce chaos relatif pour suspendre les garanties constitutionnelles et décrète pour dix jours un couvre-feu de 18 heures à 6 heures du matin. Il laisse également au TSE (et à la police) le soin de décider quels journalistes auront le droit de circuler la nuit pour couvrir ses activités.
L’opposition présente onze revendications précises – pas de vagues accusations de fraude non argumentées – au TSE. Parmi elles, la vérification de 5 174 procès-verbaux transmis après les multiples et mystérieuses pannes informatiques ainsi que celle de 1 006 actes présentant des incohérences sur le nombre de votes, l’absence de signatures ou autres irrégularités. Autre exigence : la vérification des urnes provenant de trois départements de l’ouest du pays – Lempira, La Paz et Intibucá – ayant enregistré un taux de participation anormal de 70 à 75 % alors que la moyenne nationale est de 50 à 55 %. De ces onze demandes, le TSE n’en accepte que six, générant une nouvelle impasse. C’est sans représentants de l’Alliance d’opposition qu’il va procéder à la vérification des 1 006 procès-verbaux. Au nom de l’OEA, Jorge Quiroga, jusque-là très silencieux, reproche à l’opposition de retarder les opérations.
Sept morts, une vingtaine de blessés et cinq cents interpellations plus tard, le 4 décembre à l’aube, David Matamoros, sans en faire une « déclaration officielle », donne « JOH » vainqueur avec 42,8 % des suffrages contre 41,39 % à Nasralla (une différence de 52 347 voix). Puis il ajoute qu’il restera à « examiner les contestations qui surviendront sûrement ». Sur ce point, il faut lui rendre hommage, il ne se trompe pas. Plus courageuse et respectable qu’en 2013, la mission de l’UE, dirigée cette fois par une portugaise, Marisa Matias (membre dans son pays du Bloc de gauche), déclare que « les demandes de l’opposition doivent être écoutées ». Car la rue gronde, la fièvre monte, un début de soulèvement populaire a lieu.
Le dimanche voit une manifestation monstre se dérouler. Le lundi, l’Alliance persister et signer. En tant que « président du Honduras », Nasralla réclamela réunion, à Washington, du Conseil permanent de l’OEA, afin de lui présenter les preuves de la fraude. Zelaya invite « el pueblo » à défier l’état d’urgence (ce que, le soir même, il fait). Et une sorte de miracle a lieu : soulignant « les problèmes systémiques et les irrégularités qui ont marqué les élections » la mission de l’OEA affirme « n’avoir aucune certitude sur leur résultat ». On ne parlera pas de « révélation ». La position de l’UE mettrait toute tergiversation en évidence. Et, surtout, les choses prennent une très mauvaise tournure pour le « désordre établi ».
On apprend que les « Cobras » et les « Tigres », unités d’élite particulièrement redoutables, ainsi que diverses formations de police ont décidé, désobéissant aux officiers supérieurs, de se croiser les bras et de ne plus réprimer. Peut-être faut-il y voir le fait que l’ex-général putschiste Romeo Vásquez, demeuré populaire dans ces milieux et contestant lui aussi la tricherie, se déclare prêt à « défendre la patrie ». On commence à voir, ici et là, manifestants et policiers fraterniser.
Reste l’arbitre suprême, jusque-là muet : Washington. Le bien-être de l’Amérique centrale n’est en rien sa priorité. Fin novembre, l’administration républicaine de Donald Trump a, entre autres mesures, annoncé sa décision de retirer le Statut de protection temporaire (TPS en anglais) accordé aux Haïtiens et aux Centraméricains arrivés aux Etats-Unis après diverses catastrophes naturelles (dont l’ouragan « Mitch » en 1998) et de leur donner douze mois pour rentrer dans leurs pays respectifs. Un nouveau désastre si cette expulsion se concrétise : elle concerne 59 000 Haïtiens, 5 300 Nicaraguayens, 200 000 Salvadoriens et 56 790 Honduriens [17].
Le non-respect de l’Etat de droit par « JOH » au Honduras ? Trump peut parfaitement s’en accommoder s’agissant d’un allié aussi proche sur le plan idéologique. Mais risquer une crise majeure, alors que Nasralla, bien que partenaire de Zelaya et de Libre, n’a rien d’un révolutionnaire, pour défendre une caste aussi corrompue (la lutte contre le narcotrafic demeurant un élément central du débat) ? Rien n’est moins sûr, les jours prochains seront déterminants.
L’oligarchie hondurienne se retrouve en situation difficile : à trop tirer sur la corde, elle pourrait bien finir par casser.
Source: Mémoire des luttes – http://www.medelu.org/Au-Honduras-le-coup-d-Etat
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