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NON à l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur. OUI à la solidarité avec les peuples d’Amérique du Sud !

Bordeaux, le 20 décembre 2024. Alors que la présidente de la Commission européenne et les représentants des 4 pays du Mercosur ont donné leur feu vert à la mise en œuvre du traité le 6 décembre à Montevideo, France Amérique Latine 33 réitère son opposition à ce nouveau traité de libre-échange, dont nous craignons les effets dévastateurs pour l’économie dans son ensemble, les droits sociaux des travailleur·es et la protection de l’environnement, tant en Europe qu’en Amérique du Sud.

Depuis plus de 25 ans, l’Union européenne (UE) et le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay) négocient les termes d’un accord de coopération politique et commercial. Pour faciliter l’adoption de ce qui est prioritaire à ses yeux, l’exécutif européen a choisi d’en faire deux accords séparés, l’un politique et l’autre commercial, pour ne pas avoir besoin de l’unanimité des États membres pour conclure ce dernier.

C’est l’adoption de l’accord commercial qui est aujourd’hui à l’ordre du jour, tant au niveau français qu’international. Si un accord politique a été signé le 6 décembre dernier à Montevideo entre les représentants du Mercosur et Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, rien n’est encore définitivement conclu à ce jour.

Cet accord commercial est fondamentalement un accord de libre-échange qui donnera plus de facilités aux grandes entreprises agricoles, industrielles et de services pour dominer les marchés et leurs concurrents. Il poussera dès lors dans de grandes difficultés – voire à la ruine pour certaines – les entreprises plus faibles, petites et moyennes, qui peineront à s’adapter à ce nouveau contexte, tant en Europe qu’en Amérique du Sud, tous secteurs économiques confondus. Les conséquences économiques et sociales de cet accord, sur l’emploi et le bien-être des populations notamment, n’ont pas été mesurées dans une étude d’impact préalable sérieuse.

Fondamentalement, cet accord ne tient pas compte des asymétries entre les deux parties. Il risque ainsi de miner les industries nationales des pays du Mercosur et de sous-côter le secteur agricole de l’Union européenne. Il manque également de mécanismes pour soutenir les petites et moyennes entreprises face à ce nouveau contexte (soutien financier et transfert de technologie en particulier). Comme tout accord de libre-échange, il libéralise les services sans établir d’exemption pour les services publics, risquant dès lors d’affaiblir durablement des secteurs essentiels, particulièrement à l’heure d’une nécessaire transition sociale et écologique mondiale.

Cet accord n’est pas compatible avec la loi climat européenne, ni avec l’Accord de Paris sur le climat. Il va favoriser les changements d’affectation des terres, pouvant conduire à une déforestation accrue , à un accroissement des gaz à effet de serre, et renforcer le modèle agro-industriel des pays du Mercosur, avec tous les risques connus de ce modèle pour la santé et l’emploi décent, via l’utilisation de pesticides, d’engrais et d’antibiotiques. Cette évolution se fera au détriment des paysans sans terres, de l’agriculture familiale et des droits des peuples autochtones. Des deux côtés de l’Atlantique, cela affaiblira les perspectives d’avenir d’un modèle agricole durable pour les paysan·nes et la planète, protégeant l’environnement et la biodiversité.

Dans le projet d’accord commercial UE – Mercosur, figure certes déjà le respect des indications géographiques protégées (IGP) mais rien n’est encore acté pour l’inclusion de clauses-miroirs1 concernant les normes sanitaires, sociales et environnementales. Toutefois, ces clauses ne sont pas de nature à accompagner les producteur·ices de petite taille et protéger les consommateur·ices : les systèmes de contrôle en place sont incapables de garantir le respect des normes et des brevets.

Cet accord ne comporte pas non plus de garanties solides et contraignantes qui assurent la protection et le respect du droit du travail. Cet accord ignore ainsi le rôle démocratique des partenaires sociaux et des syndicats, en tant qu’agents fondamentaux d’une transition juste et durable de nos modèles économiques.

À France Amérique Latine 33, nous ne partageons pas la croyance naïve et erronée (que d’aucun·es voudraient nous voir tou·tes avaler) qu’un accord commercial, prônant avant tout la baisse ou la suppression des droits de douanes, permettra en soi le « bien vivre » des peuples.

De plus, depuis vingt-cinq ans, le contexte mondial a changé. De nombreux pays se protègent, la Chine est montée en puissance et est devenue déjà un partenaire majeur du Brésil, à la place de l’UE. Les BRICS puis les BRICS+1 sont nés et veulent mettre fin à l’hégémonie commerciale de l’Occident, avec d’autres méthodes.

L’exécutif européen ne cache pas qu’à ses yeux cet accord a aussi un objectif géopolitique majeur, qui est de renforcer la position d’une Europe puissance face à la Chine, notamment en vue d’un accès sécurisé à des ressources rares (tels que le lithium) qui sont un enjeu majeur pour l’avenir, dans un contexte de concurrences, de rivalités et de tensions internationales accrues.

Nombre de mouvements, de syndicats de salarié·es, d’organisations paysannes (hors la FNSEA qui défend son propre modèle d’agro-business) d’Europe ou d’Amérique du Sud sont dans leur grande majorité opposés à cet accord, dans ce même état d’esprit. En font foi entre autres documents :

La course à la domination entre pays n’est pas l’avenir que nous souhaitons. FAL 33, dont les valeurs sont fondées sur la solidarité, le partage et les échanges d’égal à égal, appelle à l’émergence d’un nouveau contexte géopolitique international apaisé, fait de coopérations et de respect entre les peuples de l’UE et du Mercosur, comme entre tous les peuples de la planète.

1Les clauses-miroirs d’un accord commercial consistent à exiger de manière obligatoire des deux parties signataires le respect des mêmes conditions de production, en matière environnementale, sanitaire, sociale, etc.

1Groupe de concertation entre pays rassemblant initialement le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine depuis 2009, puis l’Afrique du Sud en 2011, et désormais l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Éthiopie et l’Iran. Ils représentent en 2024 près de la moitié de la population mondiale et 26 % du produit intérieur brut mondial.